Le prince Sisowath Samyl Monipong est décédé samedi 25 juillet à l’hôpital Pasteur de Colmar. Petit-fils du roi du Cambodge, Sisowath Monivong, il a longtemps vécu en Alsace et était revenu y passer ses dernières années.
Un avis de décès discret, à l’image de l’homme : c’est ainsi que les Alsaciens ont appris la disparition du prince Sisowath Samyl Monipong, petit-fils du roi du Cambodge Sisowath Monivong et alsacien de cœur. Il est mort samedi 25 juillet à l’hôpital Pasteur de Colmar, à l’âge de 79 ans. Peu de gens savaient qu’il avait passé une bonne partie de sa vie en Alsace, après la prise du pouvoir par les Khmers rouges menés par Pol Pot en 1975.
Né en 1941, Sisowath Samyl Monipong avait passé sa jeunesse à Saint-Paul-de-Vence, sa mère, Neak Moneang Andrée Lambert, étant française. Elle était une des cinq épouses du prince Sisowath Monipong, qui était ambassadeur du Cambodge en France ; il avait douze frères et sœurs. Son grand-père Sisowath Monivong avait régné sur le Cambodge de 1927 jusqu’à sa mort en 1941.
L’exil après l’arrivée des Khmers rouges
Pilote dans l’armée de l’air khmère depuis 1960, Sisowath Samyl Monipong avait été grièvement blessé par un tir des Vietcongs en 1970. Élevé au grade de lieutenant-colonel, le prince avait alors été affecté à Paris comme attaché militaire des Forces de défense khmères. Il avait par la suite été conseiller auprès de la délégation cambodgienne à l’ONU.
Après l’arrivée des Khmers rouges, tous les membres survivants de la famille royale avaient connu l’exil, comme de nombreux Cambodgiens. À Paris, il s’était lié d’amitié avec François Delachaux, directeur des services généraux chez Timken, et c’est ainsi qu’il est arrivé en Alsace en 1976, avec sa femme et leurs deux enfants. « Il n’aimait pas les mondanités », se souvient son fils Sisowath Ravivaddhana Monipong. « C’est pourquoi il avait décidé de venir en Alsace au lieu de rester à Paris avec les autres membres de la famille royale. »
« Une grande élégance d’âme »
Domicilié à Ribeauvillé, cet amoureux des arts et de la culture fréquentait des cercles de réflexion philosophique où il avait noué de solides amitiés. Parmi celles-ci, Marco Willmann. Son fils Alexandre Willmann, directeur du pôle marketing à l’agence régionale de tourisme du Grand Est, se souvient des visites du prince à sa famille : « C’était un homme d’une grande finesse. »
Ces dernières années, le prince avait choisi de revenir vivre en Alsace, plus particulièrement à Colmar. Il habitait au centre-ville.
La conservatrice en chef du fonds d’art moderne et contemporain du musée Unterlinden, Frédérique Goerig-Hergott, évoque elle aussi « un amoureux de l’art, en particulier de la peinture ». Ils échangeaient sur l’art français ou khmer, l’histoire, la culture…
Francis Schmid, ancien pilote de ligne chez Air Alsace, appréciait l’ouverture, la discrétion, la courtoisie de l’homme qu’il avait connu en 1976 lorsque le prince travaillait pour la compagnie. Après l’avoir perdu de vue, il avait renoué contact avec lui il y a une dizaine d’années : « Il avait gardé des amis fidèles à Colmar, et ceux-ci l’ont beaucoup aidé après son retour. » Le prince était en effet gravement malade mais il gardait cette noblesse d’allure, avec son chapeau et sa canne à pommeau d’argent. « Il avait été élevé dans la culture des devoirs d’un prince. Il a toujours su tenir ce rang, avec la conscience de ses devoirs », dit l’un de ses amis.
Discret, fin, humain, c’est aussi ce que retiennent de lui Valéria et André, ambulanciers, qui ont tenu à venir ce jeudi à ses obsèques. « C’était un grand personnage, avec une grande élégance d’âme. Nous transportions le patient, mais nous avons aimé l’homme. »
Inspirateur de Jean-Jacques Annaud
Le réalisateur Jean-Jacques Annaud, son ami depuis l’adolescence, avait préfacé son ouvrage Le Royaume de la panthère longibande , où le prince raconte l’histoire de son pays mêlée à la sienne. Dans cette préface, le réalisateur conte sa longue quête pour trouver l’acteur qui incarnerait le rôle de son film L’Amant , tiré du livre de Marguerite Duras : « Il m’a fallu des années pour comprendre que celui que je cherchais, celui qui était si difficile à trouver, parce que si rare, s’appelait tout simplement Samyl. »
Ses obsèques ont été célébrées ce jeudi 30 juillet. Ses cendres seront placées dans le stupa familial au Cambodge.
Françoise MARISSAL
D’un pays à l’autre
Directeur des opérations aériennes à Air Alsace de 1976 à 1981, le prince Sisowath Samyl Monipong est ensuite devenu directeur du personnel au sein de la société Neckermann à Illkirch-Graffenstaden, avant de fonder une agence commerciale à Munster avec Jean-Pierre Basté.
Avec sa femme, la princesse Norodom Daravadey, leur fils Sisowath Ravivaddhana Monipong et leur fille Sisowath Ubbolvadey, il habitait Ribeauvillé.
En 1985 il était retourné à Paris, où il avait monté un cabinet de consultation pour de grandes entreprises, en particulier LVMH.
Du vivant de sa femme, il n’était jamais revenu au Cambodge ; celle-ci avait en effet vécu l’assassinat d’une grande partie de sa famille par les Khmers rouges.
Par la suite, il était retourné au Cambodge et était devenu conseiller du roi actuel Norodom Sihamoni.